Foulques de Neuilly la 4ème croisade

Rappelons brièvement la grande histoire

1096/1099

Première croisade, prêchée par le Pape Urbain II au Concile de Clermont (1095). Divers prédicateurs dont Pierre "l'Ermite".

Les troupes se divisent en :

  1. branche populaire (Pierre l'Ermite et Gautier Sans Avoir) qui n'arrive pas à destination, les derniers survivants sont massacrés à leur débarquement à Nicée (alors gouvernée par les Byzantins);
  2. branche militaire avec Godefroi de Bouillon ,qui réussit et fonde le Royaume Chrétien de Jérusalem.

1147/1149

Deuxième croisade, prêchée par Saint Bernard de Cîteaux. Menée militairement par Conrad II (Allemagne) et Louis VII (France). Assiège Damas sans succès, revient en Europe.

1189/1192

Troisième croisade, levée à l'annonce de la prise de Jérusalem par Saladin (1187), prêchée par Guillaume, archevêque de Tyrnme, menée par : Richard Coeur de Lion, Philippe Auguste, Frédéric Barberousse, qui se noya dans un gué, en Cilicie. Prend Saint-Jean-d'Acre, mais laisse Jerusalem à Saladin.

1199/1205

Quatrième croisade, prêchée par le Pape Innocent III et par Foulques de Neuilly. Part de Venise, et désire se rendre sur les Lieux-Saints par voie maritime. Aboutit à la prise de Constantinople. Racontée par Geoffroy de Villehardouin.

Une nouvelle idée de Croisade

La Troisième Croisade était celle des Princes les plus élevés dans la puissance et dans la spiritualité : Philippe Auguste revint avant d'avoir atteint les Lieux saints, Frédéric y laissa la vie, et ceux qui revinrent parmi les nobles avaient certes la satisfaction d'avoir rapporté des noyaux de ces arbres nouveaux pour eux qu'ils acclimatèrent sous nos régions, des pruniers (d'où l'expression "travailler pour des prunes" d'ailleurs); il n'empêche que le résultat était encore une fois un échec.

La Quatrième Croisade qui voulait effacer ces echecs et rendre au Royaume chrétien de Jérusalem sa puissance était en préparation dans les milieux ecclésiastiques, et c'est alors que la destinée de Foulques rejoint l'Histoire. Celui qui n'aurait été qu'un simple prêtre desservant une petite communauté sans même le titre de curé, devint un instrument de la grande Histoire parce qu'il s'était trouvé à ce moment, le meilleur instrument de la parole (ses prédications étaient particulièrement percutantes) et parce qu'il se trouvait certainement, de par ses maîtres, dans la mouvance de l'Ordre cistercien.

Il ne faut pas imputer à Foulques son échec ou plutôt la trahison de ceux à qui la mission avait été confiée de la diriger ; aussi bien Foulques était mort au moment où les actes concrétisèrent les paroles qu'il avait semées, et ses principaux disciples se détournèrent de la Croisade dès qu'ils virent un but mercantile (il fallait en effet payer les vaisseaux que les Vénitiens mettaient à disposition des Croisés). Parmi ceux-ci se trouvait Simon de Montfort, dont l'Histoire a retenu le nom et le zèle à l'occasion de la Croisade contre les Albigeois...

Il est donc nécessaire de prendre connaissance d'abord du personnage de Foulques, enfant de Neuilly, avant de voir sa place dans la grande Histoire.

Fulco e Nobiliaco

Seul le hasard aurait pu conserver une indication sur la date de naissance du prêtre Foulques. Les témoignages des chroniqueurs de l'époque, dont Jacques de Vitry avec son Histoire des Croisades nous disent simplement qu'il était né à Neuilly-sur-Marne (Fulco e Nobiliaco ortus) et qu'il y exerçait la fonction de chapelain (ubi capellani officio fungebatur) ; c'était donc un prêtre, mais certainement pas le curé de la paroisse de Neuilly puisqu'elle n'existait pas ; il desservait la chapelle qui est décrite dans la Charte de Burchard (cum altare et ecclesia : un autel avec les reliques d'un saint, ceratinement Saint Baudile comme nous le verrons à la suite de la Vie de Foulques, qui fit construire l'actuelle Èglise -, ces termes désignent un lieu de réunion, ce qui est le sens premier en grec de "église", à l'usage des paysans serfs des moines de Saint-Maur, auprès desquels Foulques fut instruit du strict nécessaire pour en être le desservant).

Nous pouvons envisager, puisque les premières mentions de ce prêtre datent de 1192, qu'il était né vers 1170-1172, pas plus tard car il faut quelques années d'études, mais guère plus tôt. Cela ferait mourir Foulques vers 30 ans, cet âge correspond à ce qu'il faut attendre de la démographie, et contrastera fortement avec celui du Doge de Venise, Dandolo, qui sut, à plus de 90 ans, utiliser les Croisés pour renforcer le pouvoir de la Sérénissime République... Ces pages concernent donc aussi bien l'histoire locale que la grande histoire : on a pu dire que la Quatrième Croisade était "le grand tournant" de l'Histoire médievale.

A partir de 1192

Foulques s'instruit à Paris, près des maîtres de la Montagne Sainte Geneviève. Dans un Paris qui ne connaît pas la Sorbonne et qui voit s'édifier Notre-Dame, dans le Paris qui plaît à Victor Hugo, il est tout d'abord, par la volonté des Nocéens, étudiant, puis prédicateur : il montre l'exemple.

Dès 1196

Foulques prêche en province, suivant un itinéraire que nous avons reconstitué avec une quasi-certitude, et qui nous prouve qu'il parlait seulement le dialecte francien, et non le latin qui lui aurait permis d'avoir une audience universelle : Nivernais, Orléanais, Normandie, Picardie, Flandres, Rhénanie, Bourgogne. Tous ces voyages nous parraissent liés à l'ordre cistercien, qui protège Foulques, et non à l'ordre bénédictin, protecteur de St-Maur. L'architecture de l'Église semble ainsi ressortir à l'influence cistercienne, au même titre que la pensée de Foulques, effort vers le dépouillement, élévation de l'âme.

En 1199

Son influence et sa popularité sont telles que le Pape Innocent III (sur les conseils) de son ancien maître, Pierre dit le Chantre) le charge de prêcher la croisade, et de diriger les impositions des Croix. Ce fait (que rappellent encore les Armes de notre Ville) le place au rang de Saint Bernard de Cîteaux qui prêcha la seconde Croisade, ou de Saint Louis qui fut l'âme des VIIème et VIIIème...C'est la dernière période de sa vie, la plus glorieuse, celle où son action fut la plus controversée.

En 1202

Elle aboutit à sa mort, près du chantier de l'Église, un jour d'août 1202, arrivés à Venise les Croisés sont informés de la mort de ce "bon et saint homme" et prennent le deuil.